Pour la sortie de “Circles II” , leur nouvel EP, Leska a accepté de répondre à nos questions. Découvrez deux entités à la créativité débordante qui s’entrechoquent pour donner le meilleur des deux univers.

 

Un projet, deux entités

Leska c’est tout simplement la contraction de deux projets. D’un côté Marc qui n’est autre que Les Gordon et de l’autre Thomas a.k.a Douchka. Tous deux rennais, ils s’attellent à composer des titres qui mélangent leurs univers tout en gardant un certain équilibre. Autre particularité de ce duo, c’est le parcours d’étude similaire, tous deux ont fait les beaux-arts.

Le 15 juin dernier est sorti “Circles II” , second volume de leur premier EP “Circles” , concentré d’électronique mélodique; Les deux acolytes se baladent via leur instinct sur différentes inspirations qui donnent cette harmonie unique à leurs titres.

Vous avez pu les croiser sur plusieurs dates tant ils ont voyagé avec Leska, mais aujourd’hui il est temps pour eux de marquer une petite pause studio.

On vous laisse entre les paroles de Marc & Thomas qui nous font un débriefing d’un projet haut en couleurs.

Quel est votre parcours, qu’est-ce qui vous a amené à composer ?

Les Gordon: Pour ma part, j’ai toujours baigné dans la musique, de par mes parents qui partageaient énormément de sons mais aussi de par mon passage au conservatoire.

J’ai découvert Fruity Loops par l’ami de mon colocataire et en trifouillant un peu le logiciel, je me suis mis à composer ma propre musique.

C’est ce logiciel qui m’a introduit à l’électronique mais les déclencheurs étaient présents auparavant. Par des groupes comme Radiohead ou Four Tet, le fait d’avoir étudié la musique, tu as toujours une petite ambition personnelle.

Douchka: Personnellement, c’est tout l’opposé. Mes parents ne m’ont pas transmis beaucoup musicalement et moi-même jusqu’à mes 15-16 ans j’écoutais ce que tout le monde écoutait. En fait, c’est la vague de la French Touch 2.0 qui m’a transformé, à l’époque je me servais de ces sons pour mixer.

D’ailleurs comme Marco, j’ai commencé à produire avec Fruity sur le gros ordi familial. Comme j’avais que la demo si je ne terminais pas mes morceaux, je ne pouvais pas les sauvegarder. Après, j’ai fait les beaux-arts où je conjuguais mes travaux à la musique. Ensuite, il y a eu un gros tremplin, j’ai participé à la Red Bull Music Academy à Tokyo et en rentrant de ça, je me suis mis à produire.

Marc m’a introduit à Nowadays, et on a start le projet Leska tous les deux. C’est un projet en parallèle de nos deux carrières mais qui a toujours pris une place majeure pour nous !

D’ailleurs si tu regardes, Leska prend plus d’ampleur que nos projets solo, d’une part parce que l’on prend énormément de plaisir à produire. D’autre part car on a beaucoup tourné sur ce projet et les sorties sont plus nombreuses.

La genèse du projet Leska c’est une rencontre qui s’est transformée en une amitié forte c’est ça ?

Marc: Oui, mais il faut replacer le contexte. À la base on devait parler musique, et comme il y avait un ordi, on s’est échangé nos petits trucs entre producteurs. Puis sans que tu t’en rendes compte tu finis avec un morceau (Rires).

Thomas: En fait, il n’y avait pas de plan défini derrière cette rencontre. C’est toujours comme ça aujourd’hui, c’est de l’instinct, on voit si on a envie de faire de la musique ou pas.
Tu vois, en ce moment on est surmotivés à produire et on va charbonner dans les studios pour de nouveaux morceaux.

 

Leska_Nowadays

©Sara Krzyzaniak

Vous me dites que vous allez “charbonner” en studio dans les semaines à venir mais, y a t’il un besoin de rafraîchir votre contenu ?

Thomas: Oui on à la fois l’envie et le besoin de faire de nouveaux morceaux. Parmi les titres qui vont sortir sur le prochain LP, il y en a qui ont plus d’un an, on a cette envie d’avoir de la fraîcheur pour la suite.
De plus on a commencé à tout réaliser par nous-mêmes, les clips, artworks du dernier EP, c’est notre travail. On est vraiment dans un mode de création spontanée, totalement à l’inverse de ce que l’industrie attend du développement d’un groupe.

Pour moi Leska c’est avant tout une combinaison binaire, on ressent vraiment vos deux touches personnelles qui s’entrechoquent, cela fait-il aussi partie de la “spontanéité” que vous pronez?

Thomas: Tout à fait, “s’entrechoquer” c’est exactement le terme puisqu’on est différents sur plein de choses. Mais pour autant dans nos productions on s’accorde sur l’ajout de nos “personnalités”, rien n’est prévu, tout est intuitif.

L’intuition et la spontanéité semblent être les deux piliers de Leska, mais quand vous devez composer, ces deux qualités sont-elles aussi au centre du processus ?

Thomas: Parfois cela peut l’être comme d’autres fois pas du tout. Si je prends l’exemple d’un morceau comme “Waves” , on a quand même réalisé 5 versions avant d’avoir la “bonne”. À l’instar, un titre comme “Welcome to Mandela” a été fait en quasi “one-shot”. Après, on adore garder ce côté “jam session” et ne pas trop se donner de règles lorsqu’on produit.

Si tu te donnes des règles lorsque tu vas en studio:  “Il nous faut tant de morceaux. On doit avoir ce timing, tout en respectant ce cadre…” ; Tu passes à côté de beaux moments inconscients et intuitifs.

Honnêtement c’est le meilleur moyen pour nous de perdre ce qui fait l’essence du duo.

Marc: Clairement, on ne veut pas se poser de cadre. Tu ne nous entendras pas dire “ Je vais faire ça, Thomas réalisera cette partie et ça ne bougera plus…”. La definition même de notre duo, c’est l’expérimentation. Comme dans un laboratoire, on teste des choses, on ajoute d’autres ingredients et on se retrouve avec des résultats parfois surprenants mais c’est ce que l’on aime !

L’actualité c’est “Circles Vol.2” qui est sorti le 15 juin, mais y a t’il d’autres surprises à prévoir ?

Thomas: Donc déjà l’EP, après des dates, de belles dates. Premièrement, les Vieilles Charues, c’est très important pour nous. Ce n’est pas juste un gros festival, c’est symboliquement fort pour nous, nos deux familles seront présentes sur place.

Il y a aussi l’envie de refaire de nouveaux morceaux, ça fait longtemps que l’on ne s’est pas retrouvé en studio. Aujourd’hui on va retourner à la production avec une nouvelle méthode de travail parce qu’on n’a pas envie de faire la même chose qu’auparavant.

On sortira sûrement des nouveautés en septembre-octobre et on gardera cette notion de “DIY (Do it Yourself)” pour les clips et les artworks.

Marc: Cela va être une année assez chargée, on a hâte de tester de nouvelles choses, créer du nouveau contenu. On n’est pas du tout dans la démarche de “faire de l’actu pour faire de l’actu”. On préfère prendre notre temps, profiter tous les deux et partager ce qui en ressort avec les gens qui nous suivent. Dans tous les cas, il y a des trucs qui sont dans les tuyaux, on veut que ça reste cool donc on ne se met pas de pression !

Aujourd’hui il y un état un peu “végétatif” dans la musique, les gens ne digèrent plus tout le contenu qui est offert; Les artistes ont du mal à se faire leur place. Ce qui fait que parfois on se retrouve avec une démarche artistique qui n’est plus “honnête” mais plutôt commercial par le suivi des tendances. Est-ce que vous ressentez cette cloche qui s’est abattue sur la musique ?

Marc: C’est très marqué, mais ce n’est pas que dans la musique. Tu le ressens un peu partout, au niveau de Youtube, dans le cinéma. En général dans tous les corps de métier créatif, tu retrouves actuellement un bouchon. Pour ne pas prendre de risques et décevoir, les gens suivent la tendance.

D’une certaine manière je suis d’accord avec ce que tu dis mais d’une autre il existe plein de “belles choses” qui se produisent. Si on prend l’exemple de Petit Biscuit, il a débuté dans sa chambre à Rouen et se retrouve aujourd’hui à Coachella. De ce point de vue-là, c’est une histoire incroyable qui n’aurait pas existé si on reprenait “l’ancien temps”.
Après dans sa globalité, oui, c’est plus compliqué de sortir du lot, mais je ne suis pas pessimiste et il existe un bel avenir pour la musique !

Thomas: C’est ce fameux “Buzz Control” , on te demande toujours d’arriver avec la “pure” idée mais personne n’est capable de produire “banger sur banger”  et d’avoir du contenu régulier.

Tu vois si on était dans cette démarche, on aurait déjà deux albums à notre actif, mais ce n’est pas l’objectif. Avec le recul, je me dis, “pour un groupe en développement, faire pas loin de 60 dates en une année et demie et 40 juste l’année dernière, c’est énorme”. Par exemple on a énormément travaillé sur le live, on a de superbes équipes qui nous accompagnent.

Après quand tu parles de “délivrer du contenu” c’est que tu commences à travailler avec des partenaires, tu as un label, un éditeur, un tourneur, un manager, des gens qui s’investissent à fond pour toi; En échange tu as une “obligation” de fournir de l’actualité, sauf qu’il faut rappeler qu’Ableton Live c’est comme une toile vierge, tu ne peux pas toujours créer sur commande.

Leska cela doit rester un projet spontané et cool. Si on commence à travailler sous pression, et on l’a déjà fait, c’est là où on fait de la merde et qu’on n’aime pas le résultat qu’on donne.

Les grosses machines électroniques qui tournent aujourd’hui, on n’est pas focus à examiner leur travail. C’est pareil, on prend beaucoup de plaisir à jouer en prison, devant des enfants, ou même aller faire de la “MAO” avec des Cm1. Pour nous c’est tout aussi important et on y met autant d’impact que de faire un gros festival.  Parfois c’est presque plus gratifiant que de faire des millions de streams parce que tu ressors de ces expériences “grandi”.

Vous disposez d’une maturité certaine, quand vous entendez que les jeunes artistes s’inquiètent de leur manque de succès vis-à-vis de leur âge, cela vous fait-il réagir ?

Thomas: C’est complètement fou, il ne faut pas penser comme ça.

Marc: C’est de plus en plus jeune en fait. Il ne faut pas considérer ce critère tellement ça peut amener à du stress ou de l’angoisse. Faut faire les choses que tu as envie de faire, que ça marche ou pas. L’échec n’existe pas réellement.

Pour des jeunes producteurs cela peut être flippant de se dire “si je me plante sur ma première release, je me plante sur toute ma carrière”. Ce qui n’est pas du tout le cas, tu as 20 ans, tu as encore du temps pour faire autre chose. Mais c’est souvent associé à de la comparaison, “il a réussi à 19 ans, pourquoi pas moi ?”, mais c’est erroné, chacun doit faire sa route et évolue différemment.

Thomas: Nos modèles de carrière à nous, ce n’est pas du tout des mecs qui ont “explosé”. C2C, ça a mis 20 ans avant “d’exploser” , Moderat, Mode Selector pareil ça tournait dans toutes les “raves” d’Allemagne avant d’avoir une visibilité internationale.

Nous on prend le temps, c’est important de ne pas se précipiter, on veut juste faire ce que l’on aime et s’inscrire sur le long terme.

 

Quel est le meilleur souvenir que vous ayez en tant que Leska ? (Une composition, une anecdote …)

Thomas: Je pense qu’on a la même en tête.

Marc: “Welcome to Mandela” ?

Thomas: Grave, mais surtout les conditions qui entourent cette composition.

Marc: On a eu un coup de folie car c’était pas du tout prévu que l’on compose. On a juste dérusché ce que l’on avait filmé.

Thomas: On était à Johannesburg pour un clip.

Marc: Et en fait on s’est retrouvé à sampler ce gamin qui fait “Welcome to Mandela” et on s’est pris d’une transe de faire ce morceau en 4h à l’hôtel. C’est un morceau que l’on a fait sous impulsion et c’est un superbe souvenir.

Thomas: Les meilleurs moments, c’est aussi quand tu as fais un bon concert, les gens étaient à fond, pas de problèmes techniques. Tu sors de scène, l’adrénaline descend, tu respires et tu profites de l’instant, c’est des moments monstrueux.

Comment Leska conclurait-il cette interview ?

Leska: Par une phrase de la stratégie de l’échec : “Touche à ton cul et sens ton doigt deux fois” .

 

On remercie Marc & Thomas pour cet échange, on ne pouvait pas tout vous retranscrire car la longueur aurait été multipliée par 10. On vous a sélectionné les meilleurs moments de ce talentueux duo qui a bien plus d’expérience que l’on ne pourrait le croire !