Il a le regard clair de ceux qui doutent pour mieux avancer, la parole posée d’un artiste en pleine transition, et la détermination silencieuse d’un créateur qui cherche moins à plaire qu’à exister pleinement. À 20 ans seulement, Keanler – de son vrai nom Mathias Bellot – trace un sillon singulier sur la scène de la melodic house, en brouillant les lignes entre émotion, technicité et storytelling. Rencontre avec un jeune Lyonnais qui, en 2025, n’est plus un nom qui émerge, mais une vision qui s’impose.
Une vocation née entre deux batteries
« Au début, je faisais des sons juste pour plaire à des labels, je n’avais pas de direction artistique »
L’histoire commence à la MJC de son quartier. Il a cinq ans, sa sœur apprend la clarinette. Lui, trop jeune pour s’inscrire, découvre la salle de batterie. Deux fûts vides, une promesse de bruit et de liberté. Il tape, il explore. L’instinct est là.
Derrière le projet Keanler, lancé à 16 ans en pleine année de seconde, il y a déjà une volonté : faire de la musique, coûte que coûte.
Ce tâtonnement initial va devenir une quête. De 2021 à 2024, ses morceaux zigzaguent, ses visuels évoluent, les idées se bousculent. Puis vient la bascule.
L’électrochoc Worakls
« Je me suis mis à fréquenter des concerts que je n’aurais jamais pensé aller voir. J’ai voulu absorber un maximum. »
Tout change le jour où il assiste à un concert de Worakls. Deux Transbordeurs remplis dans la même soirée, une scénographie symphonique, une musique à la fois viscérale et intellectuelle.
« Je me suis dit : OK, ça, c’est incroyable. »
Le déclic est là. Keanler ne veut plus mixer, il veut jouer. Devenir acteur de son propre live. Quitte à réapprendre, réinventer, s’exposer.
Il s’ouvre, écoute frénétiquement des albums, prend des notes sur MusicBoard, explore des univers inconnus.
De cette effervescence naît une nouvelle ambition : Timeless Reflections.
Timeless Reflections, manifeste d’une esthétique
« Je pense qu’on trouve son propre son en se trouvant soi-même. Ce n’est pas suivre des trends, c’est juste faire ce qu’on aime profondément. »
Prévu pour le 23 mai, Timeless Reflections est plus qu’un simple projet : c’est une déclaration d’intention.
« C’est l’atmosphère que je veux porter en live, une grande histoire qui s’étale sur une heure, une heure et demie. »
À travers cet EP, Keanler cristallise une esthétique : un équilibre fragile entre mélancolie et intensité rythmique, entre piano sensible et nappes électroniques immersives.
Sur scène, il ne veut pas d’un set standard. Il veut un setup qui lui ressemble. Une narration. Un voyage. Une identité.
L’évolution est fulgurante. Après des débuts au Supersonic devant 170 personnes, il ouvre pour Meute devant 5000 spectateurs au Zénith de Lille. « C’est impressionnant. Surtout quand tes parents et ta sœur sont dans la salle, comme à Lyon. Le stress est là, mais c’est bon signe. »
Le printemps 2025 s’annonce dense : premières parties à Barcelone, Madrid, Marseille, un festival en Suisse avec Nto, une date à Berlin, et bientôt, une release party à Londres. L’été le mènera jusqu’au Finsbury Park, en ouverture de Ben Böhmer, aux côtés de Nicky Elisabeth ou jan blomqvist. « C’est fou de jouer avec des artistes que j’admire autant. »
Une vision et le futur au bout des doigts
Loin des réseaux sociaux – « Je me fais engueuler par mon label pour ça », plaisante-t-il – Keanler avance avec lenteur et exigence. Il rêve d’une résidence en studio, à la Nick Cave. Il cite Jonathan Bree comme collaboration rêvée, pour son univers trippant façon Tim Burton. Et bien sûr, Radiohead. « Mais ça, c’est pour une autre vie. »
En attendant, il construit. Lentement. Authentiquement. « Je préfère faire ce que j’aime, même si ça marche moins bien. » Et si son nom ne résonne pas encore partout en France, à l’étranger, il devient incontournable.
« Je me pose encore la question : est-ce que je préfère percer d’abord en France ou à l’international ? »
Pour l’instant, c’est depuis Lyon, sa ville natale, qu’il peaufine ses morceaux, entre deux sessions à Londres ou Berlin. Un pied dans l’intime, l’autre dans le monde. Une forme de luxe créatif. Et un territoire à conquérir – à son rythme.
En somme, Keanler ne cherche pas la lumière. Il la fabrique. Note après note.